vendredi 20 décembre 2013

existe t-il un art sacré ?


La difficulté principale ne se situe-t-elle pas dans ce à quoi renvoie l’adjectif « sacré » ? 


Première hypothèse : s’il se relie directement à « art », ou bien nous parlons d’une forme artistique qui a connu un plein épanouissement durant la période médiévale ou bien nous affectons à l’activité artistique une dimension toute spéciale qu’il nous faudra définir.


 Seconde hypothèse : « sacré » détermine non pas une technique ou un savoir-faire propre à l’être humain mais l’accès au divin, à l’absolu, à la transcendance. En quelque sorte un art vers le sacré. Ce décalage de sens ne permet-il pas de mieux envisager l’art en tant que tel et d’offrir une passerelle enrichissante entre le profane et le sacré ?  

  

Un sacré art
L’art sacré est si historiquement liée au Moyen-âge qu’une identité s’est opérée entre art sacré et art médiéval. Il est vrai que l’aspect religieux était fort prégnant dans toute la société médiévale. Tout comme la philosophie se transformait en théologie, les arts se consacraient pleinement au domaine chrétien (dans une perspective occidentale bien entendu).


 Les « grands travaux » de l’époque qu’étaient les cathédrales entraînaient de multiples artistes vers un but commun et transversal : représenter la sphère divine sur terre d’une part et d’autre part être au service du religieux à travers notamment la liturgie. Cela explique la multiplicité des représentations artistiques : si l’autel par exemple est une évocation spirituelle de la présence divine, véritable symbole en puissance au sein d’une église, il n’en reste pas moins un instrument pratique au service du célébrant. L’aspect fonctionnel ne peut donc pas être déconnecté de l’aspect purement artistique. Des contraintes existent imposant une certaine forme voire des dimensions particulières à l’objet artistique. Un autre aspect à ne pas négliger est à retrouver autour de la représentation sociale et publique : c’est toute une communauté, toute une ville, toute une société qui, à travers ces œuvres artistiques, sont mises en avant. Parfois, c’est surtout le mécène ou le commanditaire qui est mis en avant.


« Sacré » se dit aussi des choses qu’on ne doit pas violer, enfreindre voire même toucher : la profanation étant l’acte de faire entrer du profane dans le sacré, cela constitue le blasphème par excellence. Nous pouvons alors nous interroger sur l’impact d’une telle vision (« sacraliser ») concernant l’art sacré. Ce dernier devient par là-même l’art suprême, l’archétype de tous les autres arts. Et nous avons tôt fait de le rendre intouchable. La sclérose n’est pas loin : la méthode artistique, pourtant reliée à une époque, est figée, les modèles et représentations ne se renouvèlent pas. La Tradition est identifiée à l’art sacré au détriment de toute vision alternative et contemporaine. Les artistes se contentent de reproduire au lieu de réinventer. Ainsi, parler d’ « art sacré » c’est prendre le risque de trop respecter les œuvres artistiques qui en découlent. C’est confondre le flacon avec le parfum   


Un art du sacré


Il suffit de se pencher sur les peintures rupestres des grottes de Lascaux pour se rendre compte que l’art est intrinsèquement lié à l’Homme. Au-delà des représentations d’animaux ou de chasseurs, se jouait une dimension symbolique et spirituelle dans l’acte artistique. En représentant des tranches du quotidien sur les parois, l’Homme rend possible un recul indispensable à la formation d’une pensée. L’art transcende alors la réalité par la mise en valeur picturale de celle-ci et permet à l’homme de non seulement survivre mais surtout d’accéder à une forme de pouvoir qui le dépasse. Ainsi, Il sacralise les événements, les rend à part du fait d’une résonance avec l’éternité, l’absolu, le magique…Aussi, dès l’aube de l’humanité, l’art renvoie à la transcendance mais ne se confond pas avec elle. L’art n’est pas sacré ; il ouvre à un au-delà. Dans cette perspective, l’art ne peut être enfermé dans des normes, dans des règles et dans des techniques. Son indépendance par rapport à l’objet lui autorise toute liberté voire toute incongruité. L’art s’élève vers les cieux immenses de l’imaginaire sans lesquels il s’épuiserait dans un moule stérile. Et comment l’art peut évoquer le sacré, par essence à part et extra-ordinaire, sans s’octroyer à lui-même le droit à l’inattendu. Voilà la pertinence de l’art.
En préservant l’autonomie de l’art vis-à-vis du sacré, ce dernier anoblit la démarche artistique et rend possible l’intrusion du profane dans le sacré. Ne faut-il pas ce mélange, cette profanation, pour qu’un dialogue s’instaure entre l’absolu et le relatif. Une juste distinction entre profane et sacré s’impose afin que la rencontre soit possible.


 Il n’existe donc pas un art sacré, ou alors dans son acception historique et picturale, mais plutôt l’art qui de manière général tend vers le dépassement de soi, vers la transcendance de la pensée, vers le divin et qui à leur tour enrichissent l’art et l’amènent vers une expression nouvelle et étonnante.  .(Jean-Yves Meunier)







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